...Je l’observe, l’analyse et la provoque parfois, cette malicieuse personne qui, accoudée derrière les persiennes à claies me sollicite et voudrait tourmenter mon esprit à l’infini. Elle est élégante, certes, dans son bel apparat de fêtes, sa robe incarnat et son port de star. Elle jette sur moi son regard affûté, pinçant les lèvres à l’envi pour mieux aiguiser mes sentiments. Je connais bien ses dents blanches, sa bouche sèche, les bras qu’elle me tend et la main qu’elle aimerait me voir saisir.
......Elle commence dès l'enfance dans la mine diaphane et le sourire de nos aînés, puis continue avec insistance durant toute l'adolescence, provoquant sans cesse de son ton supérieur et de ses airs déguisés, pour parfaire ensuite son vice dans notre vie de jeune femme et arriver à son paroxysme dans l’adulte que nous devenons. Elle ne lache jamais prise, apportant de l’eau à son moulin dans chacun de ses regards indiscrets. Elle se vante de protéger l’amour et passe son temps à nous révéler les dangers du partage. Comme une bûche incandescente qui ne demande qu’à s’enflammer, elle attise de son souffle brûlant, nos âmes suspicieuses. Elle devient une obsession, une manie, une maladie. Cet authentique sentiment de dépit et cette disposition ombrageuse qu’elle crée en nous, ne nous emmenent qu’à notre perte et à celle de ceux que nous aimons le plus. Il faut que ce tourment cesse.
La confiance, saine thérapie, dressera un indéfectible rempart entre elle et nous ; cette séparation permettra de trouver un exutoire à son emprise. A ce jour, je dois avouer que quel que soit le prix que paie celui qui en souffre, il vit dans l’inquiétude et le soupçon permanent de l’infidélité. S’il se laisse dévorer par elle, il ne trahit de ce fait que sa propre insécurité. Ce grand classique se revendiquant être le repère de l’esprit amoureux, ternit dans son extrême, la source même de nos élans langoureux. Cet orvet de nuisance n’est que bassesse et pulsion criminelle. On se rappellera pour preuve le destin tragique de Desdémone dans la jalousie d’Othello, ou celui de Marie Trintignant, qui ont subi toutes deux, ses sévices dans deux siècles à l’antipode l’un de l’autre.
Aujourd’hui, cette misérable vient quelquefois à pas feutrés, essayant de m’émouvoir ou me suppliant asile, mais que non point ! Je la défie du regard la tête haute, la laissant en ce lieu où elle se doit d’être : derrière la fenêtre.
Mon esprit veuille encore s'égarer sur ce morne sentier...
Ah ! Ne vous disais-je pas : "In-cor-ri-gi-ble" ?
Palsambleu !!!