Ô, maman !
Que ne t'ai-je dit : Je t'aime !
Je voudrais retrouver dans l’océan des âges,
Les gouttelettes d’eau, que sont mes souvenirs,
Et revoir plus souvent, sous les pleurs des nuages
S’iriser l’arc-en- ciel dans le bleu des saphirs.
Demeure la maison, ses lézardes béantes,
L’appartement lépreux, confiné sous les toits
Où se logeaient, hélas, les âmes indigentes,
Cette classe sans nom qui n’avait d’autres choix.
Je te vois à genoux, ma pauvre Bugadière,*
Le savon que ta main ne pouvait contenir !
Tu cherchais dans les flots de la froide rivière
Ce bonheur, qu’un destin ne pouvait retenir.
Malgré ces durs travaux qui brisaient ton échine
Je buvais de ton sein imprégné de sueur,
La chaleur de ton lait, cette source divine
Où sourdait tout l’amour qui montait de ton cœur.
Mais, avant que ma vie ici-bas ne s’essaime,
Ô, chère maman ! Toi qui me donna le jour,
Toi ! Que je chérissais, sans t’avoir dit je t’aime,
Lavandière*
