(PENSEE COQUINE !)
Emergeant des brumes léthargiques d'une savoureuse sieste, Blandine se laissait gagner par la douceur de ce petit vent léger faisant frémir jusqu'au moindre duvet de ses jambes. Etrange moment où la nature fait silence et où les oiseaux jusqu'aux plus petits soient-ils, respectent cet état d'assoupissement si caractéristique des habitants du Midi...
Bastien l'avait embrassée, regardée furtivement et s'était éloigné derrière la haie de lauriers. Blandine l'avait suivi du regard. Allongée sur la chaise longue, à l'abri de la fournaise estivale sous la tonnelle, elle demeurait pensive, nostalgique. La passion avait cédé le pas à la tendresse, mais l'amour était toujours présent. Quant aux quelques filets d'argent qui scintillaient sur ses tempes, ils n'étaient que le reflet de son charme grandissant. Malgré les années, de querelles en sentiers battus, de croisements en routes parallèles, ils étaient toujours restés sur des routes entrelacées. Elle sentit alors renaître en elle le désir, cette sève nourrissante, véritable trésor dont personne ne veut se priver, fût-ce le temps d'une sieste.
Elle ferma les yeux et s'étira langoureusement au risque de gêner l'assise de son confort. De longues minutes s'écoulèrent ainsi, penchée sur ses souvenirs d'amante, où l'envie l'emportait sur la raison. Elle revoyait ses beaux yeux couleur noisette débordant d’appétit, son doux regard caressant son corps comme seule l'eût fait une main érudite. Une soudaine chaleur empourpra l'ovale de son visage et elle regrettait vivement son absence, lorsque brusquement, le grincement du portail se fit entendre. Bastien était bien là !
Ravie de ce retour impromptu, elle plongea ses yeux dans les siens, et comme s'il avait pu y lire à livre ouvert, il la regarda tendrement avec son sourire de courtisan, aiguisant ainsi l'envolée de ses sentiments...
Non, son regard n'avait point changé ! A ce moment précis, elle retrouvait l'Adonis qu'il fût et, désireuse de lui communiquer sa flamme, lui tendit amoureusement la main. Les mots étaient inutiles. Il s'approcha d'elle lentement... très lentement, puis caressa sa chevelure de sa paume tendre. Elle baissa doucement les paupières et sentit ses lèvres pulpeuses épouser les siennes avec une délicatesse qu'elle reconnaissait bien là. Sa bouche adroite devint torride et son souffle sur sa peau, se fit haleine de braise. Parcourant son corps brûlant d'attente, il pouvait sentir ses reins se creuser à chacune de ses caresses. Elle froissa sa chevelure souple et ondulée de ses deux mains. Leurs souffles devinrent courts. Il remonta jusqu'à sa bouche puis leurs deux corps s'unirent pour ne former qu'un seul être.
Ils n'entendaient plus rien, ni les oiseaux, ni les cigales, ni même ressentaient l'inconfort de leur couche de fortune. Ils étaient enlacés, rythmés par la même cadence, jusqu'à ce que leurs corps hurlant de plaisir, retombèrent lourds comme des chevaux morts.
…Brusquement… Patatras ! … La chaise longue, lasse des gesticulations de ses occupants, se brisa, les laissant tous deux, coincés sous un avachis de toile et monceaux de bois désarticulés. Un éclat de rires se fit alors l’écho de ce coup de théâtre, et ravis de leurs extravagances, ils restèrent piégés comme deux gamins, emprisonnés sous leur propre geôle.
Non, ils n'avaient changé, ni l'un, ni l'autre ! Leurs premiers cheveux blancs n'étaient qu'excuses et balivernes. Peut-être était-ce Blandine qui, imprégnée d'une pudeur soudaine avait refusé de voir en Bastien, l'homme qu'il était toujours resté.
Les yeux cernés par la reconnaissance, elle resta allongée sur sa couche capricieuse aux côtés de celui à qui elle ne dit pas assez "je t'aime", mais qui est, et restera, les plus beaux yeux de sa providence.
(Article rédigé par J.Peytavi)