D'ici et d'ailleurs

MA COMMUNAUTE

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28 février 2007 3 28 /02 /février /2007 15:50

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     En ce bel automne, tout n’est alentour que palette écologique et myriade de tons en demi-teintes, affriolant l’âme du poète spectateur. Je me laisse lentement gagner par cette vision automnale lorsque soudain, une silhouette familière interrompt cette aquarelle fictive.

- Non, pensais-je alors…c’est incroyable, elle a encore fait une victime.

      La jeune femme me regarde tristement puis baisse lentement les paupières. Ses joues sont creuses, son nez paraît deux fois plus long, les rides ont terni son beau visage et sa bouche semble amincie. Les kilos en trop ont laissé place aux kilos en moins et sa nuque fière ne supporte plus que le poids d’une évidente disgrâce. Je la regarde s’éloigner, son dos se courbe sous l’injustice, sa démarche est lente, et l’assise de ses pas, incertaine. Elle ne reflète que son ombre ou quelque esprit venu d'ailleurs. Je ne l’avais point revue depuis fort longtemps.

     Je connais bien "celle" qui s’acharne sur cette pauvre personne ! Longtemps je l’ai crue mon amie. Nous marchions main dans la main comme seulement le purent faire deux sœurs jumelles. Nous débordions d’amour, de générosité, de complicité. Lorsque j’étais amoureuse, elle l’était aussi ; nous rencontrions toujours des soupirants à hauteur de nos élans câlins. Je sortais avec Pierre, elle m’accompagnait ; je rencontrais Paul, elle restait à mes côtés. Puis un jour, inopinément, elle me trahissait, m’abandonnant, face à moi-même, mais surtout, face aux multiples facettes de ces journées difficiles, où j’allais devoir me battre contre ce mal qui avait pris sa place. Je me sentais abattue, lâchement poignardée en pleine jeunesse, asthénique, dépressive. J’avais froid, j’étais faible et sans espoir de la retrouver. Un seul mot alimentait ma pensée : Pourquoi ?

     Un esprit de vengeance couronnait alors mon âme défaillante et cet horrible sentiment allait s’accrocher à moi, se cramponnant, s’agrippant comme une arapède. Je ne pouvais plus m’en passer, m’en priver, car diantre, ce qu’il était convaincant, le bougre ! J’avais basculé à l'antipode de la réalité ; je croyais avoir le choix de ma vengeance, mais je ne l’avais point. Il faut du temps pour se venger...

     Grâce à ce sentiment de vengeance qui grandissait en moi, et je dis bien ‘’grâce’’, je devenais au fil du temps plus combative devant l’échec. Je demandais réparation de cette offense et châtiment à l’offenseur, l’auteur du mal. La vengeance devenait tonique. Elle me rendait forte, me permettait de me défendre, et encourageait mon cœur et mon corps.

                    Puis, au terme de ce combat qui allait durer des mois et des mois, la vengeance s’estompait à l’approche miraculeuse d’une nouvelle amitié qui ne cesserait de grandir jour après jour. Ce combat hargneux m’avait-t-il sauvée ? Dès lors, une grande sagesse s’installait en moi et je réalisais à quel point la vengeance n’était qu’une grimace, celle de la douleur qui criait à l’injustice. Cette "justice sauvage " que je clamais à cor et à cri, cette cruauté gratuite, alimentée par le fantasme de la punition, avait handicapé en moi la capacité d’agir de manière responsable. Alors je décidais de reprendre ma vie en main et m’apercevais avec recul, que cette douceur que l’on imagine dans la vengeance n’était faite que pour soi et ne flattait que ceux dont le pouvoir était en doute.

     Aujourd’hui, j’ai retrouvé mon amie. Certes non, ce n’est point celle qui m’abandonna par le passé . Elle est tout autre, mais elle est deux fois plus forte ; elle m’a rendu les joues roses, les kilos perdus, elle a accroché un sourire à ma face et rempli l’ovale de mon visage. Cette nouvelle amie m’a redonné la joie et le goût de vivre. Pourtant, on dit qu’elle s’étiole avec l’âge et que bien des personnes âgées en sont privées. J’espère m’être assez vengée d’elle dans le regard de sa résurgence, et ne pas avoir à connaître de nouvel abandon, car les draps de son absence ne sont que suaires et souffrances.

      Pour l’heure, je la bichonne, je la préserve, j’ai appris à la respecter et à connaître sa côte d’alerte. Quand il fait froid, je l’emmitoufle, elle est mon bien le plus précieux, mon alliée, mon meilleur atout.

    Lorsque sa silhouette devant moi est passée tout à l’heure dans le visage de cette pauvre femme, je l’ai reconnue, cette traîtresse qui m’avait lâchement affligée de son abandon et m’avait esseulée. Et vous, l’avez-vous reconnue cette diablesse ? Grâce à ma ténacité, elle a reçu un sacré pied de nez et j'ai retrouvé une autre alliée, beaucoup plus forte. Qu'à cela ne tienne, je l’ai "refaite". Ne dit-on pas se refaire une santé ? Oui, la santé était cette amie qui m’avait lâchement abandonnée, de la manière la plus vile qu'il soit, mais que j’ai retrouvée par persévérance. Assurément, se venger de la maladie en recouvrant la santé, n’est-elle pas la meilleure vindicte des patients tenaces ?   

     Bien évidemment, j’aurais pu basculer dans le schéma classique de la vengeance humaine, avec toute sa haine et sa rancune, mais je lui ai préféré sagesse, philosophie et subtilité car son regard n’est que désolation ! Alors, accordons-lui notre clémence et pensons qu’il n’y a pas plus finaude vengeance que le mépris, et plus haute, que l’oubli.    

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