La procession de la Sanch à Perpignan :
notre plus ancienne tradition religieuse
Aujourd'hui, Vendredi Saint, je ne pouvais vous laisser ignorer cette cérémonie qui attire des milliers de visiteurs dans ma ville natale, Perpignan. En aucun cas il ne s'agit de favoriser une religion ou une autre, mais de vous faire partager certaines traditions.
Lorsque j'étais enfant, cette cérémonie dans les vieux quartiers de la ville m'apeurait bien plus que de raison. Le roulement incessant des tambours, le timbre cadencé des clochettes de bronze secouées par la main des pèlerins, tant de sons lugubres obligeant mon regard innocent à se réfugier tout contre ma grand-mère, et à enfouir mon visage dans ses jupons, au risque d'en perdre haleine. Aujourd'hui, je ne vois que la grandeur de la croyance, quelle qu'elle soit, et le respect des traditions.
Pour les non-initiés, le premier aspect de la procession de la Sanch ressemble plus à une étrange fête folklorique qu'à une cérémonie religieuse, mais très vite, le cérémonial prend le dessus et l'on surprend les moins chrétiens se signer, au passage de cet étrange défilé de processionnaires cagoulés aux couleurs vives.
La Confrérie de la Sanch ("Précieux Sang du Seigneur") a été fondée en 1416, en l'église Saint-Jacques à Perpignan, suite à la prédication de Saint Vincent Ferrier, moine dominicain. Outre l'aspect spirituel, le but de la Confrérie était la commémoration de la Passion par les processions et l'assistance aux prisonniers et aux condamnés à mort avant, pendant, et après leur exécution.
Depuis près de six siècles, le rituel de la procession de la Sanch se déroule immuablement chaque vendredi saint à Perpignan. Elle symbolise la passion du Christ et pour ceux qui n'y verraient qu'un simple défilé, sachez que chaque processionnaire porte à lui seul entre 30 et 50 kg durant les quelques heures que dure le cérémonial. C'est dire le côté "Passion" qu'ils endurent.
Ce poids, c'est celui des "Mistéris", des représentations grandeur nature des scènes de la passion du Christ, entre madone affligée et Christ crucifié. Elles sont portées par 4 à 8 hommes dont la tenue est invariablement la même : Robe longue et cagoule en pointe, nommés "Caparutxa", le tout de couleur noire ou rouge éclatant.
Les scènes passent ainsi durant plusieurs heures à travers les ruelles étroites de façon à être vues de tous, y compris par les personnes ne pouvant se déplacer. Parfois, les pénitents, accrochés à des viroles de fortune, point de contact entre leur chair et leur foi, s'arrêtent sous des roulements de tambour comme pour reprendre un souffle, divin bien sûr. Souvent les pieds nus, ils vivent leur souffrance pour expier, catharsis universelle de toutes les âmes. Instants de piété. Quête de salut.
Il en est ainsi tous les Vendredis Saints. Chaque année, le public répond présent. Plus agnostiques et curieux que réellement impliqués comme les fidèles d'antan, les spectateurs ressentent malgré tout, la chaude ferveur séculaire qui auréole les pénitents éternels.
(Article rédigé par J.Peytavi.)